« LA LAÏCITÉ EST UNE VALEUR » : FAUX !
On a coutume de dire que la laïcité serait la quatrième valeur républicaine, venant compléter le triptyque « liberté, égalité, fraternité ». Pourtant, la laïcité est moins une valeur (« ce qu'une morale pose comme idéal ou norme », selon le Larousse) qu'un principe organisant les relations entre le politique et le religieux. La loi de 1905, considérée comme le socle de la laïcité (même si elle ne cite pas une seule fois ce terme), proclame la liberté de conscience et l'égalité de toutes les croyances, ce qui rend possible le « vivre-ensemble », c'est-à-dire la fraternité. Comme le souligne le philosophe Pierre Kahn, « la laïcité est moins en elle-même une valeur qu'il faut poursuivre comme une fin qu'un moyen, un dispositif juridicopolitique au service des valeurs de la démocratie (liberté, égalité...). »
« LA LAÏCITÉ FAIT DE LA RELIGION UNE AFFAIRE PRIVÉE » : FAUX !
L'idée selon laquelle la laïcité cantonnerait la religion à la sphère privée est souvent invoquée pour en appeler à une interdiction de porter des signes religieux au travail ou dans l'espace public. Pourtant, aucun texte juridique n'affirme cela. Au contraire, la loi de 1905 garantit la liberté de conscience, qui inclut la liberté de manifester sa religion en public. Ce texte abolit le régime des cultes reconnus et subventionnés par l'État. Dès lors, la religion n'est plus une affaire publique, au sens où elle n'est plus organisée par l'État. « Faire de la religion une affaire privée, c'est permettre aux différents cultes de se constituer, dans la sphère de la société civile, comme force sociale pouvant prétendre exercer librement son influence » (P. Kahn). On le voit, l'adjectif privé ne doit pas être entendu comme renvoyant au domicile mais à la sphère non étatique.
« LA LAÏCITÉ INTERDIT D'EXPRIMER SA RELIGION EN PUBLIC » : FAUX !
Cette idée reçue découle de la précédente. La laïcité faisant de la religion une affaire privée, elle interdirait d'exprimer sa religion en public. Cette question a été soulevée dans les débats qui ont précédé et suivi la loi de 1905, certains députés ou maires voulant interdire le port de la soutane en public, les processions ou encore le fait de sonner les cloches. Mais ni le législateur, ni le Conseil d'État n'ont validé ces propositions. La Convention européenne des droits de l'homme, ratifiée par la France en 1974, proclame « la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites ». Toute restriction de ce droit fondamental doit être rigoureusement justifiée et proportionnée. Par exemple, les fonctionnaires ne peuvent porter de signes religieux dans l'exercice de leur fonction car ils représentent la puissance publique et se doivent donc d'être neutres.
« ÊTRE LAÏQUE, C'EST ÊTRE ATHÉE » : FAUX !
Commençons par distinguer laïc et laïque. Est laïc ce qui n'est pas religieux. L'adjectif laïque, lui, désigne ce qui se réfère à la laïcité, doctrine de séparation des institutions religieuses et politiques. Il est tout à fait possible d'être croyant et partisan de la laïcité. C'était le cas de nombreux députés républicains qui ont voté la loi de 1905. La laïcité n'est pas hostile à la religion puisqu'elle garantit la liberté de conscience. Elle n'est pas non plus une croyance mais le principe qui rend possible la coexistence de toutes les croyances. On le voit, on peut être athée et non laïque si l'on fait de l'athéisme une croyance supérieure qui devrait être imposée à tous.
« LA LAÏCITÉ GARANTIT L'ÉGALITÉ DES SEXES » : FAUX !
Il existe actuellement un amalgame entre laïcité, égalité des sexes et mixité. La laïcité serait un rempart contre les conservatismes religieux qui prônent la séparation et la hiérarchisation des sexes. Rappelons que l'école laïque a pratiqué la séparation des sexes jusqu'à la fin des années 1960 et que la République laïque n'a accordé le droit de vote aux femmes qu'en 1944. Les députés radicaux qui s'y opposaient – et qui étaient les plus fervents défenseurs de la laïcité – craignaient que les femmes ne votent sous l'influence de l'Église, donc contre la République. Aujourd'hui, malgré plus d'un siècle de laïcité, l'égalité des sexes est encore loin d'être effective, comme le montre la persistance des discriminations sexistes. La laïcité ne suffit donc pas, en soi, pour garantir l'égalité femmes-hommes.